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Mon UT4M 2014 : récit

Montée au Moucherotte

Après une dernière interview en vue du film, j’entre dans le sas de départ dans les derniers et y rejoint Jean-Baptiste, motivé, qui compte bien cette fois boucler son UT4M. Pour ma part, nuit assez courte et pas très serein au départ. L’angoisse d’abord de la douleur musculaire à mon pied droit … au dernier moment, je tente finalement de lâcher mes semelles orthopédiques, je ne les sens pas. L’angoisse du tournage ensuite, faudrait pas que je défaille trop tôt, on ne sait jamais rien n’est impossible. Mon ambition enfin ; un temps supérieur à l’année dernière serait un échec.

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Un peu plus de 8h00, nous partons donc le long des voies du tram de Grenoble en direction du Vercors. J’ai la boule au ventre mais j’essaie de monter tranquillement. Mon frère a l’air bien. Nous passons au tremplin et au ravitaillement de Saint-Nizier. Bizarre, notre fan club n’est pas là… Nous continuons à monter.  Jean-Baptiste me dit qu’il préfère aller moins vite, je le laisse et ne le croiserait plus que lors de la descente du Moucherotte. Bon courage à lui ! 9h00, après 2h d’effort, la table d’orientation du Moucherotte est atteinte. La vue sur Grenoble y est toujours saisissante.  La boule au ventre est passée, je me sens bien.

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Vers Saint Paul de Varces

Cette année, nous ne continuons pas sur les crêtes mais redescendons à Saint Nizier. J’essaie de ne pas faire la descente à fond, il faut économiser ses genoux. Notre fan club est à Saint-Nizier. On échange quelques mots, remplit le bidon et c’est reparti, on ne va pas perdre trop de temps aux premiers ravitaillements. Direction Saint-Paul-de-Varces. Large sentier pénible, trop roulant pour moi, il faut courir là-dedans, pas le choix. Les derniers kms se font longs. Les spectateurs et bénévoles m’annoncent à 3 reprises le ravitaillement à 800m. Pitié, si un jour vous êtes sur le bord du chemin, ne donnez pas d’indication de temps et de distance, en général ça met le moral dans les chaussettes :)

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Finalement les 800m sont parcourus et le ravitaillement atteint.Le fan club s’est agrandi avec l’arrivée de mes parents. Un bain dans la fontaine du village et je repars. La forme est toujours là même s’il commence à faire chaud.

Arrivée à Vif

Avant Vif, il faut encore franchir la modeste montagne d’Uriol. Environ 400m de montée mais qui m’avaient fait très mal en 2013. Cette fois, ça le fait, je monte avec un coureur de Beaumont-sur-Oise, un peu chez moi, alors on parle du pays et arrivons ensemble, à bon rythme, dans les ruelles de Vif. Première vraie pause d’environ 15 minutes dans un gymnase peuplé et bruyant.

Un peu moins de 7 heures pour le 1er massif, ça me paraît un peu rapide, j’espère ne pas m’être grillé.  

L’enfer du Taillefer

Je continue, franchis le Drac et entame la montée dans le 2nd massif, celui du Taillefer. Cette année nous éviterons heureusement la montée finale vers le Pas de la Vache. Les montées à Laffrey et à La Morte, toujours chaudes, qui laisseront encore des tracesdans le peloton, me suffiront. Je commence par traverser Saint Georges de Commier, la ville aux fontaines, un plouf s’impose ! Les montée et descente vers Laffrey me paraissent bien plus rapides que l’année dernière. J’arrive quand même à Laffrey bien fatigué.

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La pause se prolonge mais je n’en profite pas pour bien m’alimenter : grosse erreur. Je quitte le ravitaillement les mains et le visage engourdi mais, naïvement, ne m’inquiète pas. Je vais le payer rapidement. Sans énergie, je m’arrête plusieurs fois. Le temps se rafraîchit, je ne me couvre pas, encore une erreur, s’en est trop. Je finis obligé de m’allonger sur le sentier, il fait froid. Sur le moment je ne comprends pas, je passe mon temps à manger, j’ai mal au ventre, qu’est-ce qui cloche ? Les concurrents défilent. Je téléphone à Amandine, je suis au plus mal. Certains coureurs s’arrêtent inquiets. Je finis par comprendre que je suis en hypoglycémie. Un coureur me prépare une mixture goût grenadine… délicieux ! Je mange un peu de sucre et finis par repartir.

IMG_20140822_204722.jpgLa forme revient peu à peu. Je rejoins La Morte avec le SAMUel venu à ma rencontre. La famille est là avec des chickens McNuggets… je résiste, faut pas déconner.

Je suis soulagé, on ne va pas au Pas de la Vache, il ne reste plus grand-chose à monter et ce n’est pas raide. Lac du Poursollet, chalet de la Barrière, j’enchaîne et entame la fameuse descente vers Rioupéroux : 1300m de descente en 4km. Il fait nuit, ma frontale est très faiblarde, ça craint. Je me résigne à suivre un petit groupe. L’allure ne me plaît pas, c’est trop lent, j’ai envie de la faire cette descente !  Je sors ma 2nde frontale… mince faiblarde aussi (quelle organisation)… tant pis je mets les 2, ça en fera peut-être une. Je poursuis seul, la descente est vraiment technique, ça glisse, ça roule, je tombe à plusieurs reprises mais quand je repense à l’année dernière, ne pas avoir mal au genou, ce n’est que du plaisir !

Rioupéroux

Arrivée en trombe à Rioupéroux un peu avant minuit. Quelle ambiance nocturne dans ce village, peut être le plus glauque de France ! La bâtisse du ravitaillement ne doit être habitée que le jour de l’épreuve. C’est crade à souhait mais si chaleureux. Arrivées et départs de chaque coureur y sont annoncés, apparition de la soupe dans la course (ça fait du bien !), médecins, douches,… y’a de tout à Rioupéroux ! Les ampoules commençant à être douloureuses, j’en profite pour ma première pédicure de la course, ce qui me permet de revoir le médecin de l’année dernière, qui,  à mon grand étonnement, me reconnait.

IMG_20140823_003603.jpgAprès ¾ d’heure de pause, le temps de se réchauffer et de se soigner, je salue la famille et Samuel. Je ne les reverrai pas de sitôt, c’est reparti !

A l’attaque de Belledonne

Sans doute la montée la plus raide de la course se profile : celle de l’Arselle, 1000m de montée en 3,5 km. Je commence seul et après quelques lacets, je finis par me rapprocher de plusieurs frontales que je suis péniblement. Ça monte toujours. A mon grand soulagement, quelques-uns font enfin une pause, j’en profite pour souffler (je n’avais pas envie de me faire distancer quand même). Après quelques passages rocheux équipés, la pente s’affaiblit. J’arrive en 2 heures piles depuis  Rioupéroux au ravitaillement de l’Arselle. Je ne m’arrête pas, cette vulgaire bâche accompagnée d’une de ses boules lumineuses géantes à l’effigie Petzl ne me semble pas très engageante et il caille cette nuit. Je poursuis donc l’ascension vers la Croix de Chamrousse dont j’atteins le restaurant panoramique 1 heure 30 plus tard...

LA, UNE PAUSE S’IMPOSE et la différence de température entre intérieur et extérieur incite à la relaxe. A 2225m, à 4h00 du mat dans le brouillard, il ne fait pas bon flâner. De là, les départs se font en groupe. Le brouillard est très épais et il est difficile de distinguer des balises trop espacées. Nous partons donc à 3 et heureusement car la faible puissance de ma frontale ne me permet pas de me repérer. Mes coéquipiers de l’instant sont mieux équipés, c’est reparti. Après les lacs Robert, la brume semble se dissiper, je me fais aider pour changer les piles de la frontale et ciao les gars je repars seul direction le refuge de la Pra. Le brouillard s’épaissit à nouveau mais je réussis à avancer en m’aidant du balisage du GR en plus de celui de la course. Le chemin, qui monte beaucoup pour une descente annoncée, me semble bien long.

C’est le noir absolu, je suis seul et, mis à part la rencontre avec un accompagnateur en montagne, je le resterai encore jusqu’au refuge, au levé du soleil.

Refuge de La Pra

Là encore aucun coureur, juste les bénévoles et leur dispositif de pointage. Je n’étais jamais allé jusqu’au refuge ; il me paraît énorme. Ce passage dans Belledonne est une souffrance pour les pieds. Dans les rochers et les éboulis, les tennis de course sont plus que limites et les frottements multiplient les ampoules. Ca casse un peu le moral vu que j’aborde la montée au point culminant de l’épreuve : le Grand Colon et ses 2394m. Encore des cailloux en perspective, encore plus nombreux.

Toujours seul, je suis plutôt lent et avance péniblement. J’enchaîne les pauses vidéos…

REVEIL ! C’est une course.

Mais rien n’y fait en plus il fait froid. Je parviens quand même au sommet vers 8h00. Je veux prévenir Amandine de mon arrivée prochaine au prochain ravitaillement mais mon téléphone est en rade : plus de batterie. J’enquiquine donc les CRS en poste au sommet et malgré l’instabilité du réseau réussis à joindre ma femme avec leur téléphone. C’est reparti pour la trop longue descente de Belledonne, plus de 2000m jusqu’à la vallée.

Saint Nazaire les Eymes

Ça y’est les douleurs au genou commencent à apparaître, les descentes ça déglingue. Le moral n’est pas trop là, je recommence néanmoins à voir quelques coureurs devant moi. J’ai l’impression de me traîner mais je ne marche pas et gagne Freydières avec 2 anciens compères du Taillefer. Mais que font-ils là ? Je les pensais bien devant. Visiblement, on est tous un peu malade à un moment ou un autre.

JIC13.jpegAu ravitaillement, le fan club s’est agrandi pour cette 2nde journée avec l’arrivée de Mathilde et Hélène. Cool, ça va peut-être m’aider à me remobiliser ! Je décide néanmoins d’essayer de dormir, l’endormissement me gagnait en cette fin de nuit et début de matinée.

Rien n’y fait, je ne dormirais pas, il paraît pourtant que ça fait grand bien. C’est reparti pour la descente et la traversée de la vallée du Grésivaudan. Malgré la douleur au genou, j’avance, pas assez vite mais j’avance. Le massif de Belledonne, c’est bon (check !), plus qu’à franchir la vallée, moralement détour sur détour à travers zones industrielles, franchissements d’autoroute et de rivière (Isère), vraiment un passage pourri et plus long qu’il n’y paraît. Dans ce décor, c’est l’hésitation, une balise mal placée, mais où est le chemin ? Je me laisse entraîner par un autre coureur et commence à partir de ci de là. Ca y'est avec la fatigue je m’énerve !!! On est paumé et même pas sûr de savoir faire demi tour.

Alors que mon compère veut tenter sa propre trace (ce qui m’énerve un peu plus), je décide de faire demi-tour. Je cours, énervant de gaspiller ses munitions, et repars chercher le chemin en arrière. Je finis par le retrouver, où je l’avais perdu, et reprend la trace vers Saint-Nazaire, sur les nerfs. J’y parviens à 12h30 et retrouve mes 2 collègues avec qui j’étais parti de la Croix de Chamrousse à la frontale. Je ne sais pas combien de temps j’ai perdu, ça me paraît énorme.

Allez on se calme, on se repose, un petit tour chez le podologue pour soigner les ampoules et on réattaque vers la Chartreuse, l’ultime massif.IMG_20140823_124731.jpg

Chamechaude

Je quitte Saint-Nazaire avec mes 2 amis mais les distance rapidement. Je suis de nouveau à bloc, c’est la maison ici, on va se transcender !

Le massif commence par la longue montée du col de la Faïta. Heureusement, le terrain annoncé boueux est plutôt sec (en tous cas par rapport à 2013), et ici il n’y a pas de cailloux. Je suis de nouveau bien seul. Je ne verrais qu’un seul coureur solo me dépasser pendant cette ascension. J’atteins le col et poursuis sans m’arrêter vers le Habert de Chamechaude. Il fait froid, il y a du vent cet après-midi. La forêt sous le habert est plutôt flippante. J’entends un grand fracas. Visiblement, la forêt n’a pas été nettoyée dans le secteur. Sous l’effet du vent de gigantesques branchages, arrachés probablement pendant l’hiver, tombent. Il faudrait qu’ils évitent les coureurs. Vers 16h40, j’arrive au habert de Chamechaude après avoir redoublé mon solo du col de la Faïta (je vous rassure, il prendra sa revanche après le col de Vence, bien plus tard…).

Arrivé à mon ravitaillement préféré, petite maison tellement chaleureuse avec sa cheminée, je prends une nouvelle soupe et repars vers le sommet du massif, Chamechaude, à 2082m. Le terrain dégagé de cette ascension permet de voir que je suis un peu seul. Des coureurs devant ; ils ont fait le trou. Derrière, ils sont loin aussi. L’ascension se déroule bien. Hélène, Mathilde et Samuel sont venus me soutenir. Ca fait plaisir, bravo à eux !

Puis demi-tour, je repars pour la descente qui emprunte l’itinéraire de montée. Mon genou me fait sérieusement souffrir. RRRrrrrr ça va sérieusement m'handicaper pour la descente finale tout à l’heure !

Le Sappey en Chartreuse

La descente de Chamechaude se termine au col de Porte où est annoncé le prochain ravitaillement… à 3km. Une fois annoncés, ces kilomètres sont toujours trop longs. Dans cette portion plutôt plane, ça y’est ils arrivent… une fusée passe… les concurrents du 90km m’ont rattrapé. J’essaie de suivre ? Non pas possible, ça va vraiment trop vite, on dirait qu’il court depuis 5 min et que ce sont ces derniers 100 mètres. Je le laisse et rejoins tant bien que mal le Sappey en Chartreuse.

IMG_20140823_193503.jpgMon genou gauche est vraiment douloureux dans les descentes. Ma cheville droite, elle, me lance à chaque appui. Je consulte le médecin. Comment minimiser la douleur ? 15 jours de repos… pas possible… Pour le genou courir les jambes fléchies. Allez je repars donc bondissant tel un Neil Armstrong sur la Lune en direction du fort du Saint Eynard pour la dernière vraie montée de cette aventure. Mon pari ambitieux : franchir la ligne en moins de 40 heures. Ca me paraît très juste.

L’aventure s’achève

A l’exception de quelques coureurs du 90km (les écarts entre chacun sont vraiment énormes !), je ne vois guère d’autres coureurs solos sur le 160km. C’est l’heure de sortir la frontale pour une seconde nuit. Je n’arriverais donc pas pour l’apéro… :( Les copains vont être déçus. J’arrive sans encombre au Saint-Eynard avec une belle vue sur Grenoble, toute éclairée, et appréhende la descente qui arrive sur le col de Vence. C’est long, les douleurs à la cheville minent le moral et tentent à la marche pépère. Non même l’année dernière je courais ici alors non, je souffrirai mais je courrai !

Arrivée au col de Vence à 21h30. Je salue la famille, remets un peu de NOK pour les frottements et repars en marchant. Toujours pas grand monde, on va essayer de ne pas se faire doubler pour arriver dans les 100, second défi.

Le large chemin me mène au Mont Rachais et j’aborde ainsi la descente finale, encore une de 1000m et Dieu sait qu’elle est longue ! Surtout dans la tête. Le chemin n’est pas simple, beaucoup de cailloux qui me mettent genoux et chevilles au supplice. Petit soulagement lorsque ça s’arrête pour laisser place à de larges lacets moins tortueux. Soulagement de courte durée. Les lacets longs s’enchaînent mais les lumières de Grenoble paraissent toujours aussi loin. Passage dans le fort de la Bastille et ses escaliers. Cette fois je n’y reste pas planté ! Reprise des virages et virages et virages et… arrivée enfin… sur les berges de l’Isère.

Il reste 2, non 3km à parcourir en ville. Je suis seul. Je n’arrive plus à courir, j’essaie mais ma cheville me fait trop souffrir. Soudain, 4 frontales réapparaissent de l’arrière. La 1ère me dépasse, vu la vitesse, un relais sûrement ! Non je ne perdrais pas de place à 1km de l’arrivée ! J’essaie à nouveau de courir. Cette fois, en danger, les douleurs s’effacent ; je cours comme un lapin et poursuis le laron qui m’a dépassé. Les 3 de derrière sont définitivement lâchés (ouf !). Je reviens sur celui de devant ; l’arrivée est trop proche… j’hésite… il faut essayer. Mais hélas non, je n’y arriverai pas pour 18 secondes. Il s'agissait finalement d'un coureur solo sur 160km, crollois de surcroit, je ne serai même pas 1er de mon village :)

Je finis 89ème et tout heureux en moins de 40h : 39h53.

Arrivé, massé, qu'est- ce que je fais ? J'attends mon frère ? Je le suis ? Désolé je ne pourrais pas, je ne peux plus marcher et suis bien crevé.

C'est à mon réveil que j'apprends la bonne nouvelle : Jean-Baptise a fini la course. Il est arrivé un peu après 9h00. Bravo à lui !

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Je vous remercie sincèrement tous pour votre soutien. Votre présence le jour de la course où vos petits messages sur le net m'ont bien encouragé. Le tournage pendant la course a pu se dérouler comme prévu. Il reste encore quelques scènes à tourner et le montage est prévu en octobre. Je vous tiendrai au courant. Merci de votre aide.

A bientôt

Christophe

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